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L’université pour le front populaire contre les idées de l’extrême droite

Divers

Il n’y a rien de normal, rien d’acceptable, à la perspective de se retrouver dans quelques semaines avec un gouvernement d’extrême droite en France. En tant que citoyens, en tant qu’enseignants-chercheurs et personnels de l’Université, il est de notre devoir de ne pas l’accepter. Nous refusons les idées, les valeurs, le modèle de société portés par ce courant : il est l’antithèse des principes fondamentaux de l’Université.

Le 9 juin dernier, après l’annonce des résultats des élections des députés au Parlement Européen, Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée Nationale. Cette dissolution intervient sans explication crédible et au pire moment, compte-tenu de scores très élevés du Rassemblement National, Front National rebaptisé.

Rappelons-le, le Front National a été créé par Jean-Marie Le Pen et Pierre Bousquet, ancien membre de la Waffen-SS, en 1972. En dépit des tentatives du RN pour faire oublier son histoire, en dépit des efforts incessants de nombreux grands médias - appartenant à des milliardaires ou proches du pouvoir - pour faire intervenir les membres du RN et pour rationaliser leurs obsessions (en premier lieu, la haine de l’étranger et l’amour de l’ordre établi sur des rapports de domination), il n’y a rien de normal, rien d’acceptable, à la perspective de se retrouver dans quelques semaines avec un gouvernement d’extrême droite en France.

En tant que citoyens, en tant qu’enseignants-chercheurs et personnels de l’Université, il est de notre devoir de ne pas l’accepter. Nous refusons les idées, les valeurs, le modèle de société portés par ce courant, qui ont déjà mené, dans l’histoire, à la déshumanisation, aux inégalités, au racisme, au totalitarisme, à la fin de la liberté d’expression et de l’exercice des pensées critiques, à la brutalité : il est l’antithèse des principes fondamentaux de l’Université.

Rappelons que nous sommes les héritiers des institutions du savoir, de l’éducation et de la culture. Nous sommes les héritiers des services publics. À ce titre, nous héritons aussi du soin de laisser des avenirs pacifiques et décents aux plus jeunes. Tout ce dont nous avons bénéficié, nous le devons à celles et ceux qui l’ont construit et défendu au prix d’efforts inouïs. Comment pourrons-nous sérieusement exercer notre métier sans pouvoir garantir nous-mêmes cet avenir à nos enfants et à nos étudiants ?

Rappelons ce qu’ont exprimé en France les résistants qui se sont impliqués dans le programme du Conseil National de la Résistance : les risques, les souffrances, n’auraient pas été endurés s’il ne s’était agi que de combattre un ennemi. Il s’agissait aussi, et surtout, de sortir de la guerre pour créer un monde nouveau, en paix, et dans lequel toutes et tous pourraient vivre collectivement en sécurité.

Rappelons qu’à l’époque, la quasi-totalité des grands acteurs de l’industrie et de la finance étaient alors écartés de ce projet politique tant ils s’étaient compromis. La représentation nationale vient d’honorer les Manouchian, résistants et étrangers morts pour la France, désormais au Panthéon depuis moins de 4 mois. En 2015, c’est Germaine Tillion qui entrait au Panthéon, résistante, ethnologue, chercheuse qui avait enquêté avec ses compagnes dans l’enceinte même du camp de Ravensbrück. Pour elles, pour eux, nous devons prolonger les gestes qu’ils et elles ont fait, afin que d’autres, et ceux qui nous suivent, puissent vivre avec des perspectives d’avenir heureuses.

Rappelons-nous que nous formons une communauté qui assure un service public de recherche et d’enseignement, porte des missions de production et de protection des savoirs, de transmission et de partage, et qui s’est développée et nourrie des échanges multiculturels avec d’innombrables étrangers. Et il est une autre chose qu’il faut se rappeler : les régimes d’extrême droite et les régimes de droite ultralibérale (en Europe, aux USA, au Brésil, en Argentine) ne respectent jamais les universités et l’éducation. Ils ne respectent jamais la valeur des savoirs ni les missions éducatives et culturelles. Ils ne reconnaissent pas de dette. Ils disposent du pouvoir qui leur est donné.

Rappelons-nous, enfin, que c’est en donnant crédit à l’extrême droite et en écrasant toute possibilité réelle d’alternative organisée que le gouvernement actuel nous mène à une telle situation, préférant exposer le pays à ces risques plutôt que d’encourager les initiatives de solidarité, qui, elles, sont au contraire réprimées…

C’est pourquoi nous appelons à sortir des pièges, à éloigner les menaces, à élire des représentants dignes, qui pourront enfin mettre en œuvre le projet constamment entravé d’une société décente, égalitaire, juste, protectrice, ouverte, soucieuse de sa jeunesse et de l’ensemble du monde vivant.

Nous appelons à soutenir un Nouveau Front Populaire authentiquement social, pour une vie digne et pour en finir, enfin, après mille leçons historiques, avec les compromissions et les peurs mortifères.

Un collectif de 600 personnels de l’Université