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Le RN, une menace existentielle pour la santé des minorités, des personnes vulnérables et vivant avec le VIH

Divers

« L’histoire de la lutte contre le VIH/sida nous l’enseigne : c’est par la reconnaissance des droits humains, et en favorisant l’égalité sociale et l’implication des premieres concerné-es, qu’on répond le plus efficacement aux grands défis de santé publique (...) L’extrême droite aux responsabilités, c’est l’assurance d’une dégradation majeure de la situation ». Inquietes sur l’accès aux soins, un collectif de professionelles de la santé et du monde de la recherche alerte sur les conséquences dramatiques qu’impliquerait l’accession du RN au pouvoir.

La possibilité que les prochaines élections législatives débouchent sur une majorité parlementaire d’extrême-droite est lourde de périls pour notre société : radicalisation du racisme et de la xénophobie, abandon des objectifs de lutte contre le changement climatique, reculs pour les droits des femmes, remise en cause des politiques de coopération avec les pays des Suds, politiques antisociales… Leur programme s’appuie sur la désignation brutale de bouc-émissaires (les immigré-e-s, les personnes trans, les politiques soucieuses de l’environnement…), au mépris de toute considération pour les droits humains, l’urgence écologique, les solidarités internationales ou la justice sociale.

Chercheuses et chercheurs en santé des populations, au sein de laboratoires qui mènent des études sur le VIH, la santé des femmes et la santé des minorités en France et dans les pays du Sud, cette perspective nous inquiète au plus haut point. Nous nous alarmons particulièrement de l’ampleur des menaces qui, en cas d’élection d’une majorité RN, pèseraient sur nos partenaires de terrain – participant-e-s à nos études, associations et soignant-e-s –, mais aussi sur la pérennité de nos travaux et sur la possibilité de continuer à mener des recherches socialement utiles.

Les risques de l’accession au pouvoir d’un gouvernement d’extrême-droite sont majeurs pour des populations qui cumulent déjà des discriminations et des vulnérabilités. Lorsqu’ils sont aux responsabilités – comme au Brésil, en Italie ou en Hongrie ces dernières années – ces courants politiques s’attaquent toujours aux droits des femmes et des minorités : durcissements des conditions d’accueil des exilé-e-s, législations anti-LGBT+, reculs sur l’accès à l’avortement, répression accrue contre les travailleuses-eurs du sexe et les usager-e-s de drogue, arrêt du financement des associations de terrain… Autant de dispositions qui font le lit des inégalités sociales de santé. L’histoire de la lutte contre le VIH/sida nous l’enseigne : c’est par la reconnaissance des droits humains, et en favorisant l’égalité sociale et l’implication des premier-e-s concerné-e-s, qu’on répond le plus efficacement aux grands défis de santé publique. En France, l’épidémie de VIH n’est pas contrôlée, avec encore près de 5000 nouvelles infections annuelles – en particulier parmi les publics les plus vulnérables et discriminés. L’extrême-droite aux responsabilités, c’est l’assurance d’une dégradation majeure de la situation dans ce domaine, car les dirigeants du RN s’empresseraient de prendre des mesures liberticides et discriminatoires, catastrophiques sur le plan social et sanitaire.

Le contexte politique actuel fait également peser des menaces sur les libertés académiques, sur la promotion des approches scientifiques fondées sur la preuve (« evidence-based ») et sur la pérennité des programmes de recherche visant à réduire les inégalités sociales dans l’accès aux services de santé. On l’a vu durant les grandes crises épidémiques des dernières décennies, notamment le VIH et le Covid-19 : les forces d’extrême-droite soutiennent des démarches qui privilégient leur vision idéologique régressive du monde, au détriment des standards scientifiques élémentaires. En témoignent, entre autres, leurs positionnements sur les stratégies de prévention et de vaccination ou sur la politique de réduction des risques liés aux drogues… Dans ce cadre, nous avons tout à craindre d’un gouvernement dirigé par le RN. C’est l’assurance de la multiplication des entraves idéologiques à des travaux pourtant indispensables pour mieux comprendre les conditions de vie et de santé de populations très exposées aux risques infectieux. C’est la certitude que les universités et les laboratoires de recherche, lieux de production de savoir, subiront une réduction de leurs budgets, une remise en cause de leur indépendance scientifique et de leurs collaborations avec des partenaires des Suds. C’est d’autant plus inquiétant pour des travaux qui, comme les nôtres, reposent sur des démarches de recherche participative et communautaire, c’est-à-dire en lien étroit avec les personnes concernées et avec l’ambition de réduire les inégalités sociales de santé.

La perspective d’une extrême-droite au pouvoir dans quelques semaines est une menace considérable, mais ce n’est pas une fatalité. C’est pourquoi, il est de notre responsabilité d’appeler à y faire barrage massivement !

Les signataires

Charlotte Bauquier, psychologue sociale
Renaud Becquet, épidémiologiste
Valentine Becquet, démographe
Michel Bourrelly, santé publique
Fanny Chabrol, anthropologue
Pierre De Beaudrap, épidémiologiste
Annabel Desgrées du Lou, démographe
Marion Fiorentino, santé publique
Gabriel Girard, sociologue
Anne Gosselin, santé publique
Joseph Larmarange, démographe
France Lert, santé publique
Olivier Marcy, épidémiologiste
Marion Mora, santé publique
Emilie Mosnier, santé publique
Joanna Orne-Gliemann, santé publique
Myriam Pannard, psychologue sociale
Mélanie Plazy, santé publique
Marie Préau, psychologue sociale
Christel Protière, économiste et psychologue
Perrine Roux, santé publique
Luis Sagaon-Teyssier, économiste
Clémence Schantz, sociologue
Bruno Spire, santé publique
Annie Velter, socio-démographe