Le Centre Population et Développement (Ceped - Université Paris Cité, IRD) se joint aux institutions de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi qu’à l’ensemble des associations, syndicats, ONG et institutions publiques qui s’opposent à la loi immigration votée par le parlement le mardi 19 décembre au soir.
Le discours du président Macron, qui a affirmé que cette loi constituait un « bouclier » contre l’extrême-droite, ne peut faire illusion. L’extrême-droite elle-même ne s’y est pas trompée en déclarant que cette loi constituait une victoire des idées qu’elle défend depuis des décennies : préférence nationale, remise en question du droit du sol, déchéance de nationalité, criminalisation et privation de la couverture maladie universelle pour les demandeurs et demandeuses d’asile, restrictions accrues à la régularisation des travailleurs et travailleuses sans-papiers, etc. la liste est longue. De fait, cette loi s’inscrit contre les réalités de l’immigration, du rôle et de la place des personnes étrangères en France, attestés par des décennies de recherches en démographie, économie, histoire et sociologie. Et elle occulte les apports incontestables des échanges nourris entre populations, cultures et savoirs.
En actant l’augmentation des frais de scolarité pour les étudiants étrangers, mesure contre laquelle nous nous sommes toujours battus, cette loi augure une dégradation certaine des communautés de travail de l’enseignement supérieur et de la recherche. A l’instar de nombreux pays engagés dans une conquête de parts du marché mondial de l’éducation, le gouvernement considère les étudiants étrangers, y compris celles et ceux ressortissant de pays pauvres, comme une manne financière. Il prétend en cela vouloir s’aligner sur les autres pays de l’union européenne. Il conviendrait, au contraire, de s’en distinguer en défendant l’égalité devant l’accès aux savoirs et le droit universel à l’éducation, et de se démarquer de la marchandisation des savoirs.
Cette loi va immanquablement fragmenter les communautés étudiantes. Et il n’est pas concevable que des personnes qui étudient sur les mêmes bancs pour passer les mêmes examens et les mêmes diplômes ne disposent pas des mêmes droits. Alors que la crise du COVID a dramatiquement mis en lumière la précarité de nombre d’étudiant
es étranger es, dont certain es vivent dans la pauvreté et l’angoisse permanente de ne pas voir leurs permis de séjour renouvelés, comment penser qu’une loi qui aggrave les discriminations existantes puisse constituer une solution ? Comment penser que précariser encore plus les étudiant es étranger es va améliorer la situation des étudiant es français es ? Cette position du gouvernement est démagogique et fausse.La loi immigration ne peut qu’avoir des conséquences funestes sur la production des savoirs. C’est par les circulations et les échanges internationaux que les savoirs sont produits et que l’humanité peut espérer progresser. Alors que les inégalités entre les pays des Nords et ceux des Suds en matière d’enseignement et de recherche demeurent criantes, il faut au contraire faciliter les circulations des chercheur
es et des étudiant es, déjà grandement entravées, plutôt que de les rendre encore plus contraintes. Les Nations Unies, l’UNESCO et l’OCDE plaident ouvertement pour une libre circulation des personnes qualifiées et des étudiant es, comme garant de savoirs et de valeurs partagées, et de la paix mondiale.Nous, doctorant
es, chercheur es, enseignant es-chercheur es, ingénieur es et personnels d’appui à la recherche du Ceped, nous joignons à l’ensemble des organisations qui demandent l’abrogation pure et simple de cette loi inique et préjudiciable aux intérêts du pays et à sa place dans l’espace mondial de la formation et des savoirs.