Auteurs
Carillon Séverine, Bekelynck Anne, Assoumou Nelly, Kouadio Alexis, Ouantchi Honoré, Danel Christine, Koné Mariatou, Larmarange Joseph pour le Groupe DOD-CI ANRS 12323
Résumé
Afin d’améliorer l’accès au dépistage du VIH, la Côte d’Ivoire, en suivant les recommandations de l’OMS, a décidé depuis 2009 de procéder à une proposition de dépistage du VIH dans tous les établissements de santé, à tous les patients, quelques soient leur motif de consultation. Si, dans cette perspective, la procédure de dépistage a été simplifiée, elle reste néanmoins exceptionnelle (proposition de test préalable, procédure administrative spécifique). Quelle expérience et quels points de vue les professionnels de santé en ont-ils ?
Une étude ethnographique multi-site a été conduite dans trois services de médecine générale (urbain, semi urbain, rural) en Côte d’Ivoire, situés dans deux districts sanitaires. Plus de 200 consultations de médecine générale ont été observées quotidiennement. Des entretiens semi-directifs ont été conduits auprès de 22 professionnels de santé.
La proportion de patients à qui un test est proposé est faible (environ 20%). Les soignants se montrent peu enclin à le proposer en dehors des cas de suspicion clinique pour lesquels le test est d’ailleurs plus souvent prescrit que proposé.
Les réticences des soignants s’expriment à cinq niveaux :
- (1) Compte tenu des représentations négatives encore associées au VIH, les soignants redoutent les effets collatéraux d’une proposition de test en routine tels que le refus, la méfiance voire la déperdition des patients.
- (2) Ils contestent l’utilité de la procédure de dépistage (conseil pré-test et recueil de consentement) et sa lourdeur administrative (notification systématique des tests, ordonnance spécifique).
- (3) Cette procédure est en outre associée à une surcharge de travail qui auparavant faisait l’objet d’une compensation financière, ce qui n’est plus le cas et devrait, selon les soignants, être déléguée.
- (4) Le dépistage tous venants n’est perçu par les soignants ni légitime d’un point de vue médical, ni prioritaire hors des cas de suspicion clinique.
- (5) Les soignants déplorent un manque de formation officielle en matière de conseil et dépistage.
Les attitudes de contestation des soignants sont le produit de l’exceptionnalité du dispositif de lutte contre le sida mis en place depuis le début de l’épidémie. L’intégration de la proposition de dépistage en routine souffre à présent de l’héritage de l’exceptionnalité du VIH. Comment arriver à sortir de cette exceptionnalité financière et administrative en gardant des soignants motivés ?
Réference
Carillon Séverine, Bekelynck Anne, Assoumou Nelly, Kouadio Alexis, Ouantchi Honoré, Danel Christine, Koné Mariatou, Larmarange Joseph et Groupe DOD-CI ANRS 12323 (2017) « « Il y a des conseillers communautaires payés pour ça ! » Les réticences des soignants à la proposition systématique d'un test VIH en consultation de médecine générale. Le Cas de la Côte d'Ivoire » (poster THPDD255), présenté à 19th ICASA International Conference on AIDS and STIs in Africa, Abidjan.