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Orientation sexuelle et identité de genre : quelles catégories d’enquête en Afrique subsaharienne ?

Publications

Orientation sexuelle et identité de genre : quelles catégories d'enquête en Afrique subsaharienne ?

Wilfried Rault; Mathieu Trachman. Minorités de genre et de sexualité : objectivation, catégorisations et pratiques d'enquête, Ined Éditions, pp.191-207, 2023, Méthodes et Savoirs, 978-2-7332-8036-2. ⟨10.4000/books.ined.19336⟩
Chapitre d'ouvrage

Auteurs

Joseph Larmarange & Christophe Broqua

Résumé

À l’inverse de quelques travaux pionniers en sciences humaines et sociales, la question de l’homosexualité masculine est restée inexistante dans les enquêtes quantitatives en Afrique subsaharienne jusqu’au début des années 2000, malgré les épidémies de VIH qui ravageaient le continent.

C’est en 2005 qu’est publiée, pour la première fois, une étude quantitative bio-comportementale (Wade et al., 2005) sur une population d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) en Afrique – en l’occurrence au Sénégal. Le principal résultat concernait la prévalence du VIH : sur les 463 hommes interrogés, 22 % étaient infectés par le VIH, et ce dans un pays, le Sénégal, connu pour sa faible prévalence en population générale (moins de 1 %). Mais l’enquête apportait aussi d’autres informations importantes, notamment au sujet de l’orientation sexuelle : 94 % des répondants déclaraient avoir eu des relations sexuelles avec des femmes au moins une fois au cours de leur vie. Cette proportion élevée d’hommes ayant des pratiques bisexuelles est devenue un élément récurrent des enquêtes sur les HSH en Afrique, et l’un des aspects les plus discutés.

Depuis le milieu des années 2000, parallèlement à une attention internationale croissante accordée aux HSH dans les pays à ressources limitées et une pression politique des bailleurs internationaux pour la prise en compte des populations dites « clés » dans la riposte aux épidémies de VIH, les enquêtes quantitatives sur les HSH se sont développées exponentiellement en Afrique subsaharienne. À partir des années 2010, une partie d’entre elles aussi exploré l’identité de genre et certaines publications ont concerné plus, spécifiquement, les personnes « transgenres ».

Ce chapitre fait le point sur ces dimensions telles qu’elles apparaissent dans la littérature disponible, en examinant les connaissances dont nous disposons sur les différentes populations que recouvre la catégorie HSH. À partir d’une revue de littérature exhaustive, nous recensons les catégories que mettent en évidence les enquêtes quantitatives du point de vue de l’orientation sexuelle (articulant plusieurs dimensions, dont le pôle d’activité sexuelle, l’orientation sexuelle déclarée et l’attirance sexuelle) et de l’identité de genre.

L’objectif est de savoir si les dimensions investiguées sont suffisantes pour la compréhension fine, tant des logiques sociales de la sexualité que des comportements et des identités, et de questionner la façon dont est pensée la diversité des profils au sein de la catégorie HSH. Nous faisons l’hypothèse que les catégories utilisées sont importées des pays du Nord et plaquées sur les pays africains au détriment des catégories et représentations locales, en suivant un agenda international lié à l’épidémie de VIH, qui dicte la définition des catégories à investiguer. Après de nombreuses décennies au cours desquelles s’est construite l’image d’un continent exclusivement hétérosexuel, le développement exponentiel des enquêtes épidémiologiques sur les HSH en Afrique ne témoigne-t-il pas lui aussi d’un travers, certes inverse, en dessinant des formes d’orientation sexuelle et d’identité de genre minoritaires de manière réductrice et schématique ?

Supplément

Note

Illustration extraite du film Woubi Chéri (1998)