Auteurs
N’zebo Marcellin Nouaman, Valentine Becquet, Jean-Marie Masumbuko, Camille Anoma, Kouamé Soh, Mélanie Plazy, Christine Danel, Serge Eholié, Joseph Larmarange
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Résumé
Contexte
Bien que les travailleuses du sexe (TS) constituent une population particulièrement à risque du VIH, la compréhension du fardeau du VIH reste limitée dans cette population en Afrique subsaharienne. Le projet PrEP-CI ANRS 12361 comportait une estimation de l’incidence de l’infection VIH chez des TS en Côte d’Ivoire à l’aide de tests d’infection récente.
Méthodes
L’étude a été conduite entre septembre 2016 et mars 2017 auprès de TS âgées de 18 ans et plus à Abidjan et à San Pedro, en mobilisant une méthodologie mixte :(i) des entretiens qualitatifs individuels et des focus groupes auprès de 60 TS,(ii) un questionnaire sociodémographique standardisé ainsi qu’un dépistage du VIH par deux tests rapides (Determine®, Alere et Vikia®, bio Mérieux) administrés par des paires éducatrices sur les sites prostitutionnels auprès de 1000 TS. En cas de positivité, un prélèvement sur DBS a été réalisé pour déterminer la fenêtre d’infection à l’aide d’un test d’infection récente (EIA-RI) adapté au contexte ivoirien.
Résultats
1000 TS (400 à San Pedro, 600 à Abidjan) avec un âge médian de 25 ans [Intervalle Interquartile = 21-29] ont été incluses dans l’étude et ont été dépistées pour le VIH. Parmi elles, 39 ont été diagnostiquées VIH+, dont 7 infectées récemment (durée moyenne de la durée d’infection de 113 jours), correspondant à une incidence du VIH de 2,2%.
L’incidence est plus élevée à San Pedro (3,2%) qu’à Abidjan (1,5%). Ces résultats sont à mettre en regard des données qualitatives : les TS de San Pedro ont témoigné de difficultés (distance, horaires, coûts …) à accéder aux soins de santé et aux moyens de prévention, notamment le préservatif. L’infection à VIH est également associée à la vulnérabilité : l’incidence est plus élevée chez celles qui pratiquent des passes ≤ 2000 CFA (3,1% vs. 0,7%) ; chez celles qui exercent sur les trottoirs (5,1%) et dans les hôtels (3,8%) ; et chez celles qui ne travaillent qu’une fois par semaine (2,9% vs. 0 cas incident observé chez celles qui travaillent tous les jours). Les TS travaillant occasionnellement sont plus difficilement identifiées par les paires éducatrices et ont moins accès à la prévention. Enfin, les TS de moins de 25 ans sont plus à risque d’infection (2,6%) que celles de plus âgées (1,6%) et l’incidence du VIH est associée aux autres IST (2,3% chez celles ayant eu ≥1 IST au cours des 12 derniers mois vs 1,8%).
Conclusion
Cette étude est l’une des premières à estimer l’incidence du VIH en Côte d’Ivoire chez les TS. Cette population est beaucoup plus exposée que le reste de la population générale (2,2% vs. 0,06% estimé par l’Onusida). Les nouvelles infections se concentrent chez les TS plus jeunes, en situation précaire et travaillant dans des zones reculées, en particulier dans la région de San Pedro. Ces sous-groupes vulnérables doivent donc être visés en priorité par les programmes de prévention et devraient se voir proposer une prophylaxie préexposition (PrEP) selon les recommandations de l’OMS.
Référence
Nouaman Marcellin, Becquet Valentine, Masumbuko Jean-Marie, Anoma Camille, Soh Kouamé, Plazy Mélanie, Danel Christine, Eholié Serge et Larmarange Joseph (2018) « Évaluation de l’incidence du VIH chez des travailleuses du sexe en Côte d’Ivoire (PREPCI ANRS 12361) » (communication orale S6.04), présenté à 9e Conférence Internationale Francophone sur le VIH et les Hépatites Virales (AFRAVIH 2018), Bordeaux.